Sujet : Grand Raid de La Réunion

Il l'a fait !

1576é     CANON    JACQUES    58:34:25

Bravo Jacques .

2

Re : Grand Raid de La Réunion

Grand bravo !!!!
58 heure, ce doit quand même être une sacré aventure !!! Vivement le compte rendu ...

3

Re : Grand Raid de La Réunion

BRavo Jacques ... énorme respect !!!
Rien a dire juste apprécier cette perf .....

Re : Grand Raid de La Réunion

RESPECT MR JACQUES ^^ Quel dépassement de soi, je suis admiratif! Tout est dit! Profites de cette belle île pour la récup'

Re : Grand Raid de La Réunion

BRAVO -QUEL MENTAL!

6

Re : Grand Raid de La Réunion

Félicitation Jacques , bonne récup et profite bien

7

Re : Grand Raid de La Réunion

Wahouuuu. Ultra performance. Les jambes vont piquer un moment yikes
Félicitions et bonne recup. Vivement ton recit

Re : Grand Raid de La Réunion

Bravo Jacques !!!! Guerrier ! Super long effort, il faut du mental !!!! ... il me tarde d'avoir ton CR .
Repose toi bien.

dig deep, never give up, and made it

9

Re : Grand Raid de La Réunion

félicitations Jacques!on ne peut être qu'admiratif!bravo

Rien ne sert de courir,il faut partir à point!:D

10

Re : Grand Raid de La Réunion

Un grand bravo Jacques pour être allé au bout de ce défi atypique et complètement fou. J'ai hâte de te lire afin de vivre par procuration ce périple incroyable !
Bonne récupération.

11

Re : Grand Raid de La Réunion

Après avoir dormi et encore dormi .... Maintenant il a les pieds dans l'eau , pour une semaine , dans l'Océan Indien (sans la wifi) , Jacques remercie celles et ceux qui l'ont encouragé . Donc patience , pour son CR .

12

Re : Grand Raid de La Réunion

Bravo d'être allez au bout de cette dure aventure sur cette île incontournable

13

Re : Grand Raid de La Réunion

aie j'ai mal!!!! respect Mr CANON !!!
Après le film "58 min pour vivre" voici 58 heures pour survivre (34 min et 28 sec surement les plus dures......)

14

Re : Grand Raid de La Réunion

Bonjour à tous. Désolé, j'ai commencé mon compte rendu de la diagonale, mais je n'ai pas encore terminé. Je suis toujours à La Réunion, je rentre à Pau vendredi en fin d'après-midi. Sauf incident, même si le timing est serré, je devrais normalement être présent. Je profite du séjour au maximum (j'aurai passé 4 semaines à La Réunion), j'aurai plus de temps pour terminer mon compte rendu la semaine prochaine.

Mais je peux déjà répondre à PH : Les dernières 34 mn et 28 secondes ne sont pas les plus dures. D'abord, j'ai pris le temps de bien m'étirer les quadriceps à la fin de la dernière montée, avant d'attaquer la dernière descente, car j'avais senti lors de précédentes descentes que je n'avais plus trop de souplesse dans les jambes. Ensuite, on m'avait tellement sur cette dernière descente de 4 km que je m'en faisais un monde, à tord. Enfin, je me suis trouvé un compagnon de descente qui, lorsque nous avons amorcé la descente "maintenant, il faut savourer". Et il avait raison ! Il fallait rester vigilant dans la descente, mais je savais que j'allais être finisher de la Diagonale des fous, à plusieurs moments, je voyais le stade de la redoute (l'arrivée), c'était magique et grandiose ...

"A chacun son Everest"

15

Re : Grand Raid de La Réunion

Bravo !!! Bravo !!! Bruce Willis n'a qu'à bien se tenir !!!
Quelle épreuve sportive et de vie... vivement le compte rendu smile

16

Re : Grand Raid de La Réunion

Voici enfin mon compte rendu de la Diagonale des fous. Pas évident en tout cas de réunir ses souvenirs, d'essayer de raconter une si longue course tout en étant synthétique. C'est donc un peu long, je souhaite bon courage et félicite d'avance ceux qui iront jusqu'au bout.


1) La genèse (ou un concours de circonstances)

J’avais toujours dit que je n’irai jamais à La Réunion. Non pas que la destination ne m’intéresse pas, mais faire 12 heures d’avion pour me retrouver … en France ! Comme dans la vie, il faut faire des choix, je préférais alors des destinations comme l’Amérique du Sud, l’Afrique du Sud ou la Nouvelle Zélande.

Jusqu’au jour où, à l’été 2016, une amie de ma compagne est partie travailler à La Réunion. Nous avons été invités, elle m’a alors dit « Avec toi ou sans toi, j’irai à La Réunion ! ». J’ai donc commencé à réfléchir à la question.

Parallèlement, en 2016, blessé à une épaule et ne pouvant nager, j’ai été forfait sur tous les triathlons. Récupérant in extremis mon quadriceps gauche où j’avais également été blessé, j’ai fait le Grand trail des Templiers avec en effet, comme l’a dit Eric SUSSU à l’AG, une petite idée derrière la tête. Mais pour 2018 !

J’envisageais au départ en 2017 de faire l’Ironman de Langkawi en Malaisie. Ayant été invité par mes voisins pour 3 ans à Singapour, c’était l’occasion. Parallèlement, je postule pour la Diagonale 2017 pour doubler mes chances au tirage au sort de 2018. Et je suis tiré au sort pour 2017 !!! Alors, mieux vaut tenir que … courir, si j’ose dire !


2) L’attente

Nous sommes arrivés le jeudi 12 octobre matin de bonne heure après une nuit dans l’avion. Nous faisons quelques visites les 1ers jours, mais je suis déjà dans ma bulle. Etre dehors me permet de m’accoutumer à la chaleur humide de La Réunion. Je suis toutefois rassuré, l’air est bien moins humide qu’en Afrique Noire. En 2006, la chaleur humide de Libreville au Gabon m’avait valu de battre mon record au semi-marathon en mettant … 2h15 !!!

Samedi, dimanche et lundi soir, petites séances de course à pied, histoire de m’accoutumer à l’effort dans cette chaleur humide. Puis, 3 jours avant, plus de sport, plus de visite. J’enchaîne les siestes, il me faut emmagasiner du sommeil. L’attente est longue, le jour J tarde à arriver. La dernière nuit, je dors mal. Je passe le jeudi allongé sur le lit, je réussis à somnoler un peu, mais la journée est longue.

Enfin arrive le moment de se rendre au départ. Après avoir donné mes 2 sacs « ravito perso » qui seront acheminés par l’organisation à Cilaos et Sans Souci et après le contrôle du sac de trail et du matériel obligatoire, j’entre dans le sas « départ ». On est encore à environ 2h30 du départ. Je fais signe à ma compagne et à nos amis. Puis à l’imitation, je m’avance au plus près de la ligne de départ et m’assois par terre. L’attente continue, on discute un peu, on s’allonge, les visages sont tendus. Je suis pensif : je suis au départ d’un des ultratrails les plus mythiques, c’est magique ! Je pense m’être bien préparé, mais le suis-je vraiment ? Dans tous les cas, ça sera dur. D’un seul coup, retour à la réalité : tout le monde se lève et se serre contre la barrière, je ne sais pas pourquoi : on est encore à 45 mn du départ, mais maintenant debout. A 15 mn du départ, on s’avance d’une centaine de mètres, on sent de la nervosité, il va être temps de lâcher enfin les chevaux ; c’est l’aboutissement de mois d’entraînement.


3) La course

Vendredi 19 octobre 22h00, il fait 25 degrés, c’est parti pour cette folle aventure ! Mon objectif, être finisher. Je ne me rajoute pas de pression en me fixant un objectif horaire, je n’ai l’expérience ni d’une telle distance (165 km), ni d’une telle dénivelée (9500 m) pour le faire. En effet, de même que mon 1er Ironman à Nice en 2012 n’était que mon 4ème triathlon, 9 mois après ma 1ère leçon de crawl, la Diagonale des fous n’est que mon 6ème trail, le plus long d’entre eux étant celui des Templiers l’an dernier, avec 76 km pour un peu plus de 3000 m de dénivelée. Je sais que ça sera difficile, mais j’aime ces challenges démesurés et improbables qui sont chaque fois des aventures ! Je n’ai que 2 craintes : la 1ère est que mes genoux ne supportent pas l’épreuve, la 2ème les problèmes gastriques. Mes genoux vont tenir, mais ma 2ème crainte était fondée.

La course démarre sur un rythme de 10 000 m au milieu d’un monde fou dans une ambiance d’enfer. Je cherche ma compagne dans le public, mais je ne la trouve pas ; je ne la reverrai donc qu’à Cilaos. Sur 7 km de route le long du front de mer, la foule est omniprésente et les encouragements très forts. De nombreux groupes musicaux créoles s’ajoutant à la liesse de la foule contribuent à cette ambiance folle. Un feu d’artifice vient compléter le tout. Le rythme de la course ne faiblit pas. Je m’astreins à conserver un rythme correct sans me mettre dans le rouge, je me fais donc beaucoup doubler, j’avais bien fait de me positionner devant au départ. Au km 15, je me retrouve 1947ème ! La température ambiante, la foule, le rythme, j’ai chaud !

Au bout de 7 km, le parcours quitte le front de mer pour se diriger vers la montagne. Il est temps d’allumer la frontale. La pente s’élève progressivement. Je traverse des champs de cannes à sucre, puis un long village, la foule est à nouveau nombreuse, ambiance festive. Puis encore des champs de cannes à sucre. A nouveau un village, ravitaillement (km 15). J’ai déjà pris de l’altitude, en bas le spectacle des lumières déjà lointaine de la côte et l’océan indien, ici, l’air est frais. Je change de maillot (on était obligé de prendre le départ avec le maillot donné par l’organisation), je mets les manchettes et un coupe-vent, mais peut-être trop tardivement. Ou alors, dans les 2 interminables bouchons qui se présentent, peu après le ravitaillement, dans la forêt sur la piste devenue monotrace et parsemée d’obstacles qui génèrent des ralentissements, je me suis refroidi. Toujours est-il que je commence à avoir mal au ventre et ça va durer jusqu’en fin de journée le lendemain. Devant l’ampleur de ces bouchons où l’on n’avance plus, je comprends pourquoi ça partait si vite sur les 1ers km. Il fallait être devant au 15ème km au début de la piste monotrace. C’est interminable. J’ai mis 2 heures pour faire les 15 premiers km, et 3 heures 50 mn pour faire les 15 suivants ! C’est dire l’ampleur des bouchons ! Certes, les 40 premiers km, on fait 2600 m de dénivelée positive pour 600 m de dénivelée négative. Mais en plus, à cause de mon mal de ventre, j’ai dû m’arrêter plusieurs fois (je vous passe les détails), je perds encore des places (2071ème au km 31).

Au lever du jour (5h30), je me trouve sur la crête qui mène au belvédère « nez de bœuf » (vers le km 40). Grand ciel bleu. D’un côté, les 1ers  remparts du volcan du piton de la fournaise, de l’autre, le piton des neiges, point culminant de l’île de la Réunion (3070 m), en bas duquel on entrevoit le cirque de Cilaos (un des 3 grands cirques qui se sont formés autour du piton des neiges). C’est magnifique !

Puis c’est la longue plaine des Câfres, il fait déjà chaud. De nombreux faux plats descendants et montants permettent de courir. Au ravitaillement de mare à boue, je me recrème les pieds et je change de chaussettes. Après, c’est beaucoup moins propice à courir : de nombreux rochers, ainsi que des chemins de vieux rondins destinés à empêcher que le sentier devienne un bourbier, font mal aux pieds et cassent le rythme.

Puis c’est la longue et vertigineuse descente sur Cilaos que l’on aperçoit en bas, au fond du cirque, 600 m de dénivelée. Cilaos, c’est le 1er gros objectif intermédiaire au km 65. Au journal télévisé local, parmi les conseils qui étaient donnés, le spécialiste avait dit « Cilaos bien géré, médaille à l’arrivée » ! Facile ! Au ravito, il y aura mon sac « ravito perso », douches, kinés, podologues, repas chaud et zone de repos. Il y aura aussi ma compagne et nos amis. C’est également le lieu où beaucoup abandonnent. J’ai l’impression d’y être déjà. Mais la descente va être longue. Il fait humide, le sentier est parfois glissant, il y a beaucoup d’escaliers. Au cours de la descente, une plaque commémorative vient rappeler qu’un concurrent s’est tué dans la descente à la diagonale de 2004, ça calme !

Quand j’arrive à Cilaos, il est 13h22, ça fait 15 heures 22 de course. Je suis 1619ème, j’ai repris 350 places sur les 34 derniers km depuis ND de la paix. Un bisou à ma compagne que je suis content de voir, puis j’entre dans le stade. Je vais y rester 2 heures 30. Je récupère mon sac « ravito perso », je me douche (l’eau est froide et j’ai oublié de mettre une serviette dans mon sac, tant pis !),  je change de maillot, de chaussettes, de manchons de compression et de chaussures. Je rince mon cuissard et je le remets.

Et oui, je n’en ai qu’un comme celui-là : c’est le cuissard « équilibrium » de Kiwami, l’équivalent pour le trail de la « spider » en triathlon. J’ai fait toute la course avec en le rinçant 2 fois à Cilaos et à Sans Souci. Un grand confort, une légère compression, pas une irritation. Je sais que certains ont des doutes, mais si vous avez le budget, n’hésitez pas à vous équiper en Kiwami, c’est cher, mais la qualité est au rendez-vous. Fin de la parenthèse.

Donc, après la douche, massage des mollets et des quadriceps par un kiné, massage des tendons d’Achille et des voutes plantaires par un podologue. Puis, crémage des pieds, repas chaud, 20 mn de sieste. Puis c’est reparti.
Je me sens super bien, j’ai l’impression d’avoir des jambes neuves. Je vole ! Le mal de ventre n’avait pas disparu, mais j’avais appris à « faire avec ». Vers bras rouge, quand ça commence à remonter, mon ventre se rappelle à mon bon souvenir. D’un seul coup, c’est l’enfer. J’attrape des sueurs froides et j’ai très mal au ventre. Je n’avance plus. Je m’assois, j’attends, je repars, je me rassois. Le sentier est étroit et exposé, plus on monte, plus le vide est important, mais ça ne capte pas mon attention. Je repars, puis me rassois encore. Des groupes entiers me doublent. Beaucoup me regardent et ne disent rien, certains m’encouragent. Puis comme Renaud sur son bateau, « j’ai vomi mon 4h00 et mon minuit aussi ». Je finis par repartir doucement et j’arrive au ravito « début du Taïbit », j’ai perdu 300 places en quelques km (1916ème). C’est au bord d’une route, il y a un bus qui récupère ceux qui abandonnent. Beaucoup sont assis par terre, mangent ou se reposent. Je fais de même. Je n’ai pas faim, mais je me force à manger. Un panneau indique « entrée du cirque de Mafate », c’est l’itinéraire de la diagonale. Le col du Taïbit, 1000 m plus haut, c’est l’entrée dans le cirque de Mafate, accessible par aucune route. Si on abandonne dedans, il faut quand même en sortir à pied. Alors, je m’interroge : je n’ai fait que 72 km, je suis mal en point, est-ce que je vais entrer dans le cirque ? Je songe à abandonner, je regarde le bus dans lequel certains sont déjà montés après avoir rendu leur dossard, je réfléchis, je continue à me forcer à manger et boire. Je ne sais pas combien de temps cela a duré. Au bout d’un moment, j’ai une impression d’un peu mieux. Et je suis reparti.

Au cours de la montée au col du Taïbit, j’ai peu à peu repris du poil de la bête. Je n’avais plus la notion du temps qui passait, la nuit était tombée (18h30), j’avançais sans réfléchir. J’ai passé le col, je suis descendu de l’autre côté, dans le cirque, je suis arrivé au village de Marla où il y avait un ravito avec du chaud. J’ai mangé, puis j’ai dormi dans une tente dortoir dotée de grosses couvertures, par terre, pendant une heure.

Quand je me suis réveillé, je me sentais bien. Je n’ai d’ailleurs plus eu mal au ventre par la suite. Mais en sortant de sous la couverture, bonjour la caillante ! Je m’étais complètement refroidi. J’ai enfilé mon vêtement chaud et ma veste goretex, je suis allé manger quelque chose de chaud, puis je suis reparti. Ca descendait vers un torrent qu’il fallait franchir, puis ça remontait vers le col des bœufs (entrée dans le cirque de Salazie), puis ça redescendait, puis ça remontait. On est ensuite sur un sentier (sentier scout) où l’on devine un à pic de chaque côté. Tout ça à la queue-leu-leu, sans réfléchir, car il faut avancer ! Puis on entame une descente que j’ai trouvée interminable (1300 m de dénivelée négative). Sur les bas-côtés du sentier, de nombreux concurrents sont endormis dans leur couverture de survie, certains ont laissé leur frontale allumée à côté d’eux sans doute pour qu’on ne leur marche pas dessus. Tout en bas, une passerelle qu’il faut passer un à la fois, puis ça remonte raide (les frontales semblent être à la verticale, ça porte un coup au moral !), puis un long sentier plus ou moins plat. Et le jour se lève.

J’arrive au ravito de Grand Place Ecole, un autre village dans le cirque de Mafate. Il y a une tente dortoir avec lits de camp et couvertures, je m’y arrête dormir ¼ d’heure. Chaque fois, c’est bien organisé : un bénévole nous demande combien de temps on veut dormir, il nous désigne un emplacement et nous réveille quand c’est l’heure. 13 mn après, branle-bas de combat : le bénévole réveille tout le monde et annonce : « Tout le monde debout, les serre-files viennent d’arriver, le poste va fermer ». Montée d’adrénaline ! Sommes-nous si près que ça de la barrière horaire ? Je me lève et je file. C’est le début d’une succession de montées et de descentes jusqu’au village de Roche plate qui sera suivi de l’impressionnante montée du Maïdo (1000 m de dénivelée). Jusqu’à présent, il y avait déjà eu beaucoup de marches d’escalier, mais là, c’est le summum ! Des marches très irrégulières faisant parfois 50 cm de haut ! A l’entraînement, j’avais des séances d’escaliers en montant et descendant les marches 2 par 2 ; ça serait à refaire, je ferai plus de séances et les marches 3 par 3.

Depuis Roche Plate, le Maïdo semble une immense et vertigineuse falaise dans laquelle je me demande où peut bien passer le sentier. Dans ma tête, le Maïdo, c’est la dernière grosse difficulté en terme de dénivelée positive. C’est le km 113, ce sont les 2/3 de la course, et il y aura ma compagne et nos amis. Cela me donne de l’énergie, je me sens des ailes, j’ai l’impression d’y être déjà. Il va pourtant faire très chaud et ça sera long. Mais je vais reprendre 200 places (1684ème au Maïdo).

Au Maïdo, puis au ravito 20 mn plus loin, point d’accompagnants. Je m’alimente, je me recrème les pieds et change de chaussettes. Puis c’est parti pour une nouvelle interminable descente (15 km /1600 m de dénivelée négative). Je sens que j’ai les jambes « moins faciles », je descends les marches sur le côté pour soulager les quadriceps. Enfin, j’arrive à l’école de Sans Souci. Même scénario qu’à Cilaos : bisous à ma compagne, récupération du sac « ravito perso », douche, massage, changement de tenue, recomplètement, repas chaud, 30 mn de sieste. 3 heures passées à Sans Souci ! Quand je repars, la nuit est tombée. Je me sens bien, je pense avoir passé les plus grosses difficultés, il reste une quarantaine de km, je ne vois plus de raisons de ne pas être finisher. Je traverse la rivière des galets au milieu d’un concert de crapauds, c’est au niveau de l’océan, il fait chaud, il n’y aura pas eu de pluie (une chance !). Une longue montée (mais rien à avoir avec le Maïdo) qui passe bien, dans un village, puis dans un champ de cannes à sucre (recouvert par les feuilles, comme dans un tunnel), redescente avec de la désescalade (mains courantes), village, ravito. Puis ça remonte, escalade, ralentissement. On arrive au-dessus des falaises qui surplombent l’océan, je vois un bateau éclairé, je vais le voir longtemps. Un sentier de faux plats, jonchés de dormeurs dans leur couverture de survie, qui n’en finit pas ! Parmi ceux qui sont avec moi, les uns vont me distancer, les autres vont aller moins vite ou s’arrêtent dormir. Je me retrouve seul, plus de lumières. Je cherche les rubalises pour m’assurer d’être toujours sur le parcours, je me retourne pour voir s’il y a des frontales derrière moi, pour me rassurer. Je passe quelque temps tout seul, j’attends longuement d’amorcer enfin la descente. En quittant Sans Souci, j’avais eu un moment le sentiment que l’arrivée n’était plus très loin. Sentiment éphémère.

Enfin, la descente. Je reviens sur un petit groupe ; On arrive en bas. Une portion de plat, puis le ravitaillement de La Possession. Je me fais masser les jambes ainsi que les tendons d’Achille et les voutes plantaires par ma compagne et son amie sur un lit de camp qu’elles avaient amené. Cette dernière qui habite donc  à La Réunion me dit que jusqu’à La Grande Chaloupe (prochain ravito), c’est juste une simple colline. Super ! Je repars. Je marche un peu dans le village, puis ça tourne vers la droite et je vois un panneau « chemin des Anglais ». Je l’avais oublié, celui-là ! Il s’agit d’un chemin réalisé avec de gros pavés noirs (roche volcanique). Lors de ma reconnaissance du parcours sur « youtube », j’avais regardé une vidéo privée sur laquelle le participant, ayant filmé des portions de sa diagonale avec une go pro, avait annoté en évoquant cette portion « mon pire cauchemar ». Comme il l’avait fait de jour, j’avais pensé qu’il avait souffert de sa chaleur absorbé du fait de la couleur noire. D’emblée, ça monte raide sur des pavés très irréguliers et en dévers. Une fois au-dessus des falaises surplombant l’océan, c’est du faux plat, mais toujours des pavés d’une grande irrégularité. Je mesure « la chance » que j’ai de faire ce tronçon de nuit ; malgré tout, pour moi, c’est l’enfer, c’est pire que de marcher sur une voie ferrée. L’expression « mon pire cauchemar » prend tout son sens. Le chemin descend, je crois amorcer la descente vers La Grande Chaloupe. Pas du tout, le chemin descendait dans un ravin, puis remontait de plus belle pour attaquer de nouveaux faux plats sur des km. Je me sens fatigué et commence à manquer d’équilibre, je me traîne. Derrière moi, j’entends un homme dire à une femme « je vais m’arrêter dormir 10 mn ». Je saute sur l’occasion, je m’arrête aussi et lui demande de me réveiller. Je ne sors pas ma couverture de survie pour 10 mn, ça m’évitera de la replier. Quand je repars, je sens plus de dynamisme et un bien meilleur équilibre.

Quand enfin arrive La Grande Chaloupe, je ne manque pas de remercier notre amie pour sa super info sur la « petite colline » ! Je refais une sieste de 15 mn et pars pour l’ultime montée, direction Le Colorado (hauteurs de Saint-Denis). Rebelote les pavés noirs droit dans la pente, puis c’est du chemin normal. J’arrive dans un village, je vois 3 concurrents en train de s’installer pour dormir. Je suis surpris, dormir si près de l’arrivée ? Je marche encore et j’aperçois « la boule » (une station radar) dont je savais que c’était le début de la dernière descente. Elle parait très proche, je demande à une personne que je croise à combien de temps elle estime le délai pour l’atteindre : « une bonne heure ». Ca n’en finira donc jamais !

Enfin le Colorado ! Je prends le temps de me ravitailler, puis de bien m’étirer les quadriceps avant d’attaquer l’ultime descente. J’avais en effet senti moins de souplesse dans les jambes lors des précédentes descentes. Egalement, j'ai tellement entendu sur cette dernière descente (4 km, 600 m de dénivelée négative) que j’ai, à tort, une réelle appréhension. Puis j’y vais parce que j’ai hâte d’en finir. Je me suis trouvé un compagnon de descente plus âgé que moi, qui faisait la diagonale pour la 2ème fois et qui m’a dit, en débutant la descente : « Maintenant, il faut savourer ». Il a raison, quelle sagesse ! J’ai changé d’état d’esprit et j’ai savouré ! J’allais être finisher de la Diagonale des fous, à certains moments, j’apercevais le stade de la Redoute (l’arrivée), c’était magique et grandiose ! Une magie que l’on ne vit que dans le milieu amateur. Je savoure, mais il faut rester vigilant jusqu’au bout car je peux encore me tordre la cheville. J’en double un qui descend en boitant et qui finira. Un autre a passé la ligne d’arrivée penché en avant, le dos bloqué. Quel courage et quel dépassement de soi ! On arrive en bas, par respect pour mon compagnon de descente qui m’a reboosté là-haut, je reste derrière lui. Puis en entrant dans le stade, j’accélère en levant les bras et je passe la ligne. Je l’ai fait ! Je reçois la médaille de finisher et le maillot de survivant. Je retrouve mon compagnon de descente que je félicite, nous trinquerons ensemble peu après. Je retrouve ma compagne, ça a été un bonheur et un réconfort de la voir et l’entendre m’encourager sur le parcours. Je remercie également nos amis pour leur soutien moral et matériel. Enfin, une bonne bière et une barquette de frites, vive la diététique !


4) Epilogue.

Je suis donc finisher de la diagonale des fous en 58h34, soit 3 nuits et 2 jours durant lesquels j’aurai dormi au total 2 heures 30 en 6 fois ! Ca me laisse rêveur. Je me classe 1576ème au général sur 2700 partants (1830 finishers, soit 870 abandons = 32,2 %), 287ème dans ma catégorie (Master 2 Hommes) sur 520 M2H partants (346 finishers M2H, soit 174 abandons = 33.5 %). Je suis surpris par une telle proportion d’abandons, il me semble que les conditions météo étaient pourtant optimales. Etre fort physiquement et entrainé ne suffit pas, il faut aussi être fort dans sa tête. Je suis d’autant plus fier d’être allé au bout de cette difficile, mais si belle aventure !!!

"A chacun son Everest"

17

Re : Grand Raid de La Réunion

Encore bravo Jacques,toujours là où on t’attend pas!
Tu as le don de repousser tes limites au maximum!
Sacrés épreuve .....
Beau récit et bel exploit.
À très vite

18

Re : Grand Raid de La Réunion

Encore bravo Jacques pour ton exploit , et merci pour le résumé de ta course (que j'ai lu en plusieurs fois . Tu comprends pourquoi ?). J'adore !
Si j'ai bien compris , prochain objectif : Ironman Langkawi .

19

Re : Grand Raid de La Réunion

bravo Jacques .Belle aventure humaine , riche et loooonnnngue. Bonne gestion de course. bise

dig deep, never give up, and made it

20

Re : Grand Raid de La Réunion

Sincères félicitations pour cet exploit sportif

21

Re : Grand Raid de La Réunion

Whaouuu!!Quel récit!!! quelle aventure!!! on a l'impression que le point de rupture est présent à chaque instant, à chaque nouvelle étape, un mental d'acier et malgré tout un corps qui ne t'a pas lâché...
Bravo Jacques