Sujet : Ironman 70.3 - Afrique du Sud
9 Juin 2018. Je suis à l’aéroport de Sydney avec Anthony. On part en long weekend dans la région de Melbourne et on attend notre vol, celui de 7h00. Je n’aime pas attendre. Je m’occupe comme je peux. Je jette un œil a des emails que je n’ouvre jamais en temps normal : ceux de la fondation IRONMAN et de Women For Tri (depuis qu’on a fait notre premier Half on en reçoit quasi tous les jours ; je les laisse habituellement trainer dans ma boite mail ou les supprime directement). Je les parcours distraitement. J’ouvre, je zyeute les photos et les titres adossés, je lis vaguement le début des articles, je referme, je supprime. Suivant. Même chose. Suivant. Même chose. Je répète l’opération, toujours à demi endormie, jusqu’à ce que l’un d’entre eux retienne mon attention. Je le lis une seconde fois. Une troisième. Je vérifie l’expéditeur, pensant qu’il pourrait s’agir d’un attrape nigaud. IRONMAN Triathlon. Je le relis, parfaitement concentrée. Il s’agit d’un email de relance : je suis qualifiée pour le championnat du monde d’IRONMAN 70.3 qui se déroulera le 1er septembre 2018 en Afrique du Sud. Women For Tri et la fondation IRONMAN ont décidé qu’il y aurait une course femme distincte de la course homme et proposent un slot à 450 femmes supplémentaires sur classement 2017. L’email me rappelle que j’ai jusqu’au 11 Juin pour compléter mon inscription !
Je le montre à Anthony, masquant mon sourire du mieux possible au cas où il trouve un indice lui permettant de dire que c’est un attrape nigaud (j’aurais alors été nigaude mais il n’est pas obligé de le savoir !). Je le vois relire l’email. Il comprend la même chose que moi. « Tu vas y aller ? »
Je ne sais pas. Je n’en sais rien ! Je ne me suis jamais posé la question, je n’ai jamais cherché à me qualifier, je n’ai même pas pensé qu’un jour il serait possible que je me qualifie ! Les petites courses sans prétention ni couverture médiatique m’ont toujours bien plu. Là ça m’impressionne. Je vais être nulle. Peut-être même que je serai dernière. Ça me fait peur. En même temps c’est peut-être une fois dans une vie ! Ce doit être incroyable de participer à des championnats du monde. Et évidemment l’Afrique du Sud, ça m’attire.
J’ai 2 jours pour me décider, et moins de 3 mois pour me préparer alors que je prévoyais de lever le pied 3 semaines début juillet pour couper après une saison assez intense. Si je me lance dans l’aventure c’est à fond avec tout ce que ça implique (entrainements renforcés pendant l’hiver austral, rigueur sur l’hygiène de vie malgré les visites des français en vacances en Australie qui s’enchainent tout juillet-aout,…).
J’hésite. Me tête ne pense plus qu’à ça pendant 2 jours. Je contacte Marianne pour avoir son avis. « Vas-y !!!!!!! Fonce ! ». Et elle me vend du rêve en me disant que l’IM qu’elle a fait en Afrique du Sud était une belle épreuve, l’une des plus belles qu’elle ait faite.
Le 10 au soir, je suis inscrite.
Le 11 au matin, je fais un entrainement course à pied suivant mon planning hebdomadaire habituel, mais je rallonge la sortie de 1-2km. Je suis déterminée et je n’ai pas une minute à perdre.
Je ressors des plannings d’entrainement en natation alors que depuis un bail j’inventais tout au pied levé, une fois dans l’eau, au gré de mes envies et du ressenti.
Rouler en semaine m’est un peu difficile (ça veut dire lever à 5h pour un départ de la maison à 5h30 et première partie de l'entrainement de nuit puisque le jour se lève vers 6h45) mais je le fais les semaines ou je ne peux pas faire 2 entrainements vélo le weekend. J’allonge les sorties vélo également.
Je fais des progrès rapidement. Je me sens fatiguée. J’ai mal à une hanche, à un pied, au tendon des 2 coudes, j’aurais eu envie de faire une coupure, mais les résultats de mes efforts se font ressentir alors ça m’encourage et je continue.
Fin juin mon pied commence à me faire vraiment mal. En fait je sens une gêne depuis une dizaine de jours mais là il rougit et gonfle. Je sais ce que c’est. Fracture de fatigue, j’en ai déjà eu une au même endroit. 6 semaines d’arrêt sont préconisées. Je suis un peu dépitée.
Je remplace la course à pied par de la marche rapide et intensifie mes entrainements de vélo et natation. Après 3 semaines d’arrêt, je tente un footing. J’ai mal au pied après le 1er km et pourtant j’en fait 10. Stupide. On est le 8 juillet, je suis désemparée.
Je repars pour 3 semaines sans course à pied. Je continue la marche rapide et je fais des progrès. Ça m’aide à allonger ma foulée et quand je reprendrai la course à pied je me rendrai compte que ça m’a fait progresser ! Je reprends en douceur cette fois : sur 10km j’alterne 1km course 1km marche la première séance, puis 2km course 1km marche la suivante, puis 3km course 1km marche,… Mi-aout je recommence les séances 100% course à pied en évitant les fractionnés courts, lors desquels mon pied est davantage sollicité. Je sens qu’il n’est pas encore parfait mais il tiendra si je le préserve.
Fin aout je me teste sur un enchainement 40km de vélo – 7.5km en course à pied. Je cours en 4:36 min/km au moyenne sur un aller-retour avec du dénivelé. Je suis contente. Je me sens prête en vélo, bien en course à pied. J’ai perdu un peu en natation (je nage en extérieur alors en hiver, quand il fait entre 4 et 8˚C le matin, même sur 3000m j’ai du mal être suffisamment échauffée pour pouvoir travailler correctement) mais ça ne me perturbe pas, ce n’est pas là que je peux gagner ni perdre beaucoup.
Je passe sur l’épisode de mon vélo qui fait des siennes à une semaine du départ et devient un fixie. Ce ne sera que le câble du dérailleur arrière a cassé. C’est vite réparé mais il faut quelques ajustements avant que le câble trouve sa position et que les vitesses passent toutes correctement. Le problème sera réglé à 3 jours du départ.
Le 24 Aout, je m’envole pour Port Elizabeth. J’ai une semaine pour récupérer du décalage horaire et profiter un peu de l’Afrique du Sud (mais pas de son vin ☹).
Ma mère et ses 2 sœurs me rejoignent là-bas pour l’occasion. Je devrais certainement faire quelques courts entrainements et beaucoup me reposer, mais j’ai choisi de bourlinguer un peu jusqu’au 29 Aout (dont 3 randos de 3-4h), de faire un safari le 30 et de me reposer le 31. Je case 35min de course à pied et 20 min de nat’ dans le planning. Les 2 séances se passent bien même si ma respiration est un peu plus difficile que d’accoutume. Probablement un air différent de l’air australien.
Arrive le jour J.
Lever à 5h15.
La météo est bonne. Soleil et 14˚C à 6h30.
Je suis stressée, mentalement fatiguée par l’attente de la course et la pression que je me suis mise depuis plusieurs semaines mais je suis prête. Prête pour tout donner aujourd’hui car confiante que je me suis entraînée du mieux que j’ai pu.
L’eau est à 15,4˚C. Combi obligatoire. Protections thermiques pour la tête et les pieds autorisées (je n’en ai pas). Ça me fait peur car le froid augmente l’asthme mais quand je me trempe dans l’eau avant le départ, je ne la trouve pas si froide et ça me rassure.
On part par groupes d’âge, et par vagues de 10 toutes les 15 secondes au sein du groupe d’âge. C’est toujours une bonne chose d’éviter le bouillon !
Je ne vais pas voir les pros partir, ni les groupes d’âge avant le mien. Ça ferait monter ma nervosité d’un cran et je n’en ai pas besoin, j’ai déjà du mal à contenir le cocktail molotov d’émotions qui est en moi.
Je m’approche du sas d’appel 5min avant le tour des 30-34 et prends enfin le départ à 8h11. Aussitôt la pression retombe et je me calme. Je suis concentrée. Je me sens bien.
Je nage en prenant garde à ce que ma respiration ne s’emballe pas. Je prends des pieds autant que possible. La mer est calme à part une vague à passer au début. L’eau est très claire, on voit des plongeurs qui nous surveille a 2-3m sous l’eau au niveau des bouées.
Ça passe vite. Je sors de l’eau et jette un œil à ma montre : 31’32’’ pour 1990m ! Je suis très agréablement surprise et ça me booste un max !
On est aidées pour enlever nos combis, le luxe !
La transition est un peu longue (~350m) car le parc a vélo est d’une sacrée dimension mais je ne perds pas plus de temps que d’habitude. Pour la première fois je ne mets pas mes gants de vélo, mais je prends quand même un mouchoir dans ma combi trempée !
Le vélo est une autre paire de manches. Le parcours est magnifique, seulement 600m de dénivelé, quasiment tout en première moitié de parcours (de longues bosses comme j’aime et non pas les coups de cul dans lesquels je suis nulle), pas de ville donc peu de ronds-points/dos d’ânes/... plutôt facile donc mais on est en prise tout le temps et le bitume est pourri tout le long.
On a un très fort vent de face jusqu’au 40e km. Mon compteur ne décolle pas. C’est dur. Je me fais pas mal doubler mais je double pas mal aussi, et vu mon tank je suis très satisfaite.
Puis viennent les bosses les plus hautes dans lesquelles je reprends pas mal de femmes.
Le retour prend une route différente qui ne nous permet pas de profiter du vent de dos très longtemps mais au moins on ne l’a pas de face et le compteur affiche enfin des vitesses sexy.
J’utilise toujours mon mouchoir moitié trempé pour me moucher jusqu’à ce que je double une nana qui, non seulement se mouche sans se boucher une narine après l’autre pour optimiser l’expulsion du paquet, mais en plus ne tourne même pas la tête sur le coté !!! (Elle reste sur ses prolongateurs la tête droite, je n’ai pas osé regarder la fin du chantier !) A partir de ce moment, ma peur d’afficher un embrun nasal séché sur l’épaule de ma trifonction se trouve relativisée :-D
L’ambiance est plutôt sympa. Les femmes font attention les unes aux autres et s’échangent 2-3 mots de temps en temps. Trop contente de trouver une française auprès de laquelle se plaindre de la difficulté du vélo, Marie-Cécile a même essayé de me taper la conversation alors que j’étais en train de la doubler. Comme si c’était le moment ! Je l’ai écoutée 30 secondes puis l’ai laissée à ses lamentations (on est venues en sachant qu’on allait en chier non ?!)
Je finis le vélo en 2h57 avec 30.5 km/h en moyenne. Contente d’avoir terminé en moins de 3h malgré les conditions mais j’ai dû beaucoup appuyer pour ça et j’ai commencé à avoir un peu d’asthme sur le vélo. En descendant du vélo, je manque de m’effondrer tellement mes jambes sont bloquées et je mets une trentaine de mètres avant de réussir à avancer droit !
La transition est de nouveau royale puisque des volontaires récupèrent nos vélos, nous aident à trouver nos affaires de course à pied et nous mettent de la crème solaire pendant qu’on change d’attirail.
Je pars à petite allure avec mes jambes de béton mais la sensation se dissipe très vite. J’ai l’impression de ne pas avancer mais je suis pourtant en 5 min/km, l’allure que je rêverais de tenir mais je me suis fixée 5:15 min/km. Je ne comprends pas, les sensations ne collent pas avec ce que m’indique ma montre mais le 2ème km confirme cette vitesse. Je suis trop contente mais, rapidement, plus rien ne va. Ma respiration s’emballe et je commence à faire une crise d’asthme. Je ralentis. Rien n’y fait. J’ai ma Ventoline et j’en prends une bouffée qui me soulage 1 ou 2 minutes, puis ça reprend. Les douleurs au niveau du diaphragme apparaissent puis s’accentue, je ne peux plus courir. Je marche en appuyant me mains sur mes cuisses pour tenter de soulager mon diaphragme et de favoriser le passage de l’air, ça me calme un peu, j’essaie de reprendre la course, ça revient. Je fais ça pendant qq km. A partir du 8ème km j’augmente beaucoup mon temps de marche et aux km 11, 12 et 13 je suis entre 6:45 et 7 min/km… Je passe plus de temps à marcher qu’à courir. Vient même un moment où j’ai l’impression que je vais devoir m’arrêter car je n’arrive pas à récupérer même en marchant et en prenant de la Ventoline. Mon diaphragme me lance à chaque mouvement. Finalement ces 3km me permettent probablement de me calmer un peu puisque je ferai tous les km suivants entre 5 et 6 min/km, lentement mais sans presque marcher.
J’arrive enfin à la fin de ce semi en 1h55 (5:28 min/km), frustrée par ma course à pied mais soulagée d’avoir franchi la ligne d’arrivée.
Ça donnera un temps global de 5h31. J’aurais aimé faire entre 5h15 et 5h20 donc je suis déçue mais mon classement me réconforte : je suis 424e sur 1335 finishers (j’imaginais finir dans le dernier quart vu le niveau) et je discuterai par la suite avec pas mal de femmes et n’en rencontrerai aucune qui ait pu réaliser son objectif donc la course était probablement très difficile.
"Sometimes we win, sometimes we learn", je reviendrai plus forte. Et je l'aurai ce 5h15!
Merci pour les messages que j’ai reçus de la part des BATeux!
Bises à tous
Marika
PS: Oui je sais je n'ai pas l'esprit de synthèse!
Dernière modification par Marika (Fri-09-18 06:28:50)