Sujet : Récit Ironman Hawaii 8/10/2016

Never again till next time...

Récit de mon voyage et de ma course aux Championnats du Monde Ironman le 8/10/2016



Nous sommes partis à six de la famille pour 10 jours sur l'île de Big Island à HAWAII .Cette qualification au championnat du monde Ironman je l'ai toujours vu  comme une histoire de famille et pas que comme une aventure  personnelle et sportive.
Nous avions loué un "condo" ,c'est une villa très confortable dans une résidence avec tout le confort ,piscine , salle de sport ,cuisine équipée ,terrasse ,climatisation, et même une baignoire à bains bouillonnants.
Nous étions sur Alii drive, en bord de mer ,tout près du Pier au départ de l'Ironman  ......le paradis .
HAWAII est l'archipel le plus isolé du monde : il est au beau milieu de l'océan Pacifique à 3850 km de la Californie est à 6195 km du Japon.
J'avais donné carte blanche à Marine pour l'organisation des visites touristiques. Mon training étant déjà calé et prévu.
Arrivée de nuit après 23 heures de vol Toulouse -Francfort -Los Angeles -Kona .Nous sommes fatigués . Je suis un peu anxieuse de ne pas récupérer mon vélo .Finalement tous les bagages seront là ainsi que le vélo.  C'est un gros soulagement ! Nous avions pré-loué un énorme 4X4 que nous prenons à l'aéroport tous impressionnés tout de même par la taille du véhicule. Direction Kailua-Kona À 13 km.
Le lendemain matin course prévu de 5 km pour Éric Florent Marine et moi sur Alii drive : c'est une partie du parcours du marathon il est sept heures du matin il fait déjà très chaud ......  .Florent et Marine font podium tous les deux dans leur catégorie d'âge. Nous prenons des photos inoubliables en bord de mer près du ravito 5 étoiles .Ça y est nous sommes dans l'ambiance et dans "the place to be" pour tout triathlete passionné .
Le lendemain direction la baie de Cook lieu privilégié le matin pour nager avec les dauphins, un de mes rêves. En 1778 le capitaine Cook découvre Hawaii en débarquant à Big Island dans la baie de Kealakekua : c'est une baie sublime et un paradis marin .Des montagnes aiguisées dominent une mer turquoise ampli de Corail  et de bancs de poissons multicolores ....mais zéro dauphin pour nous. Cependant nous prenons un petit déjeuner traditionnel sur les hauteurs :pour moi c'est papaye chaude saupoudrée de noix de coco  avec des œufs au plat : un délice! Pour ne pas repartir bredouille Marine nous propose de nous rendre dans une autre  baie historique proche où on peut  voir des tortues marines  : Pu'uhonua O Honaunau national historical park. C'est une ancienne ville protégée et fortifiée, là nous observons de nombreuses tortues marines dont une de 2 m pour Éric ! c'est magique et un très fort moment pour chacun d'entre nous. Marine et Florent s'éclatent avec la GO-PRO .Il y a aussi des sculptures en bois de type maori.
Le lendemain visite du volcan le plus actif de la planète :  le Kilauea. Avant la visite du volcan, natation au pier avec à 500 m du bord, un bateau sur lequel nous pouvons boire des cafés Starbuck et de la nutrition Cliff...... À Kona toutes les marques sont  aux petits soins pour les triathlètes qualifiés et les accompagnants.Distribution de bonnets de bain Roka pour tous ceux qui nagent!Les sensations dans l'eau sont très bonnes .J'essaye une nouvelle fois la swimfast que Marie Ferbos m'a prêté .
Les écoulements de lave sont permanents sur le Kilauea, il y a un panache de fumée en bord de mer  qui montre l'endroit précis où se jette la lave.( une marche de quatre heures est nécessaire pour s'y rendre )Nous observons le cratère Halemaumau et la caldeira.Ce cratère ne crache pas de lave mais il émet des gaz et des fumées . C'est très impressionnant. Nous marchons aussi dans des champs de lave "devastation trail" et traversons une ancien tunnel de lave.C'est fantastique.
Nous rentrons sur Kailua-Kona pour le défilé des nations. Je retrouve tous les français dont mes amies Nelly et Cathy. Le pro Cyril Viennot défile avec nous. C'est un moment très sympa la délégation la plus importante est bien-sûr la délégation américaine:un tiers du plateau ensuite viennent l'Australie et l'Allemagne. Nous sommes 2300 concurrents. C'est les jeunes de l'armée américaine qui ouvre le défilé et ensuite viennent les légendes Paula Newby Fraser, Mark Allen ,Dave Scott..... mes yeux pétillent. Eric se fait photographier avec Frederic Van Lierde.
Le lendemain je retire  mon dossard. .L'organisation est parfaite et très bien huilée j'ai le dossard 552 et plein de cadeaux .On me met au poignet un bracelet jaune fluo sur lequel est écrit "KONA ATHLÈTE "quelle fierté !
Les pros ont eux,un bracelet orange fluo. Désormais ce sera notre signe de reconnaissance dès qu'une personne  passe à côté tout le monde regarde son poignet :accompagnateur ?coureur ? ou pro? À mon niveau je trouve que tout le monde s'entraîne beaucoup : du coup je regarde leurs poignets pour voir si ce sont des qualifiés .Mon entraînement final est la recherche de la fraîcheur maximale pour La course :donc une dernière semaine très light .je ne vois pas trop l'intérêt d'aller courir dans Energy Lab, comme son nom l'indique c'est un véritable "four" ,ni de faire des aller-retour sur Alii drive .....
D'autre part venir aussi loin dans un endroit paradisiaque pour rester enfermé et m'entraîner n'est pas trop compatible avec mon caractère. Donc j'en profite un max sans me fatiguer .
Le lendemain pour moi c'est reconnaissance d'une partie du parcours vélo tandis que les autres vont à Kahaluu beach  .Je roule sur Queen K pour la première fois. Je suis euphorique. Et heureuse.Le parcours vélo consiste à 182 km avec 1700 m de dénivelé +: c'est une succession de toboggans avec parfois des côtes ,mais le plus dur c'est le vent ........ Toutefois lors de ma reconnaissance je ne serai pas confrontée à un vent violent ..... je roule à 30 ,35 km/H . Les sensations sont  très bonnes.Je suis  confiante.J'ai fait évoluer un peu ma position aero avec Christophe d'Intersport Idron. 
L'après-midi est consacrée à du paddle  dans la baie de Kailua- Kona  pour voir des dauphins :Marine et Florent réussirons à en voir. J'assiste à la conférence de presse des pros pour peut-être glaner quelques « tips » .L'ambiance est très tendue entre eux notamment chez les filles. Cela me permet toutefois de voir toutes les stars de près . Elles sont toutes hyper hyper affûtées c'est impressionnant ! Frodeno est une immense tige sans muscle....  Daniela Ryf a un corps sculpté.
Le lendemain dernier jour d'excursion pour moi ,nous sommes à J -2 :nous décidons de monter au sommet du Mauna Kea  4200 m d'altitude pour le coucher du soleil. Un  4X4 est obligatoire . Les 10 derniers kilomètres étant une piste raide.
Le Mauna Kea est le lieu le plus clair de la planète pour l'observation des astres .C'est aussi le plus important observatoire d'astronomie du monde : il regroupe 13 télescopes ultra perfectionnés , la qualité de l'atmosphère est exceptionnelle  l'air est très sec,sans pollution , ni nuages ou humidité.
Le spectacle sublime du coucher du soleil sur le Mauna Kea sera à jamais graver dans ma mémoire.
Veille de course :
Je dois déposer mon vélo et mes deux poches Swim and bike  entre midi et 14h30.
Je pars donc en vélo avec mes poches vers le pier.  Sur Alii drive il n'y a que des triathlètes nous avons tous la même destination : le parc à vélo sur le pier de KONA . Je suis très émue je fais la queue pour entrer dans le parc à vélo . Tout m'impressionne. Les stars sont présentées au micro du célèbre Mike Reilley, la voix de « you're an ironman » .L'ambiance est très chaleureuse. Tout le monde sourit. Tout le monde est heureux. Le parc n'est pas si grand que ça mais à la sortie de l'eau et à la fin du vélo il faut en faire tout le tour. Il fait une chaleur accablante .
Les bénévoles sont aux petits soins pour notre installation "good luck for tomorrow !"
Je croise même Romain Guillaume qui est là pour son papa qui me souhaite bonne chance .
L'après-midi  repos sur le lit les jambes en l'air en regardant du football américain à la TV. Je fais ma course dans ma tête .
Jour de course :
Réveil à 4h. Je suis dans la course.Concentrée et déterminée. Éric et papa m'accompagnent  jusqu'au parc en voiture où je dois encore me faire tatouer et gonfler mes boyaux. Dans le parc l'ambiance est sereine. Tout est très bien organisé.Chacun est concentré sur sa tâche. On se fait tous tatouer.
Départ des pros hommes la musique des tam-tam met l'ambiance. Bourdonnement de l'hélicoptère .
Cinq minutes plus tard, départ des pro femme.
Les groupes d'âge homme rentrent dans l'eau. Les places sont chères sur la première ligne de départ entre les deux bouées ROKA.
Je commence à  enfiler ma swimfast car il me faut bien une demi-heure pour la faire glisser petit à petit .
Les  groupe d'âge femmes peuvent rentrer dans l'eau après le départ des hommes : j'ai décidé de me placer en première ligne pour pouvoir bien naviguer de bouée en bouée et sur la droite du paquet car il y a un petit courant sur la gauche dixit Cathy qui part pour son 5eme HAWAII. Isabelle Ferrer est à côté de moi.
Les tam-tam raisonnent de nouveau , L' hélicoptère bourdonne, au loin le clocher de l'église de KONA plante ce décor paradisiaque., c'est un peu la bagarre pour garder sa place en première ligne.La tension est terrible. Mais en même temps j'ai un sentiment de plénitude.... j'ai mérité ma place ici. Je me suis battue pour être ici. Je suis une privilégiée je ne laisserai ma place à personne. BOUM ! Un vrai Canon donne le départ.
Le début de la natation est assez chaotique tout le monde essaye de faire sa place .Nous ne sommes que un peleton de femmes mais ça n'empêche pas les coups... très vite je  me retrouve dans un petit groupe de quatre . Toutes ont des swimfast ROKA noires je les suis facilement.
Arrivé au 1/2 tour ,1900 m parcourus.Nous rattrapons les derniers hommes, petite bagarre pour passer la bouée. Il y énormément de clapot sans doute dû au vent.
Le retour est plus difficile à cause  du clapot important ,mais ma navigation est bonne. Je passe toutes les bouées très près. Je regarde tous les 10 coups de bras mon cap ,comme conseillé par Romain.Sur la fin de la natation mes bras sont lourds 3,8 km de natation sans la combinaison c'est  long ! Le souffle est bon. Lorsque je vois apparaître le pier je me prépare mentalement à la transition.
Sortie de l'eau :  1H14' (1'50 »/100m). Temps correct. Je passe sous les jets d'eau douce. Attrappe ma poche "swim", me dirige sous la tente obligatoire pour mettre mon "wings" Kiwami (gilet manches longues.)

Je fais tout le tour du parc à vélo ,retrouve mon vélo et mon casque.
Des le départ à vélo il y a une côte. Là J'entends ma famille "allez  Marianne!"
Tout le monde est là :Marine Florent Éric papa et Léo. il y a une ambiance de fou  le long de la route dans KONA. Un peu plus loin ,je croise Hélène et Virginie de KIWAMI  qui m'encouragent aussi. Avant de partir sur l'aller-retour sur la highway Queen K, Il y  a une boucle de 30 km vallonnée. Il n'y a pas de vent l'allure est bonne mon compteur indique 30 km/h et au-dessus. J'ai un super mental motivée comme jamais. Je bois mon premier bidon d'eau.
J'arrive sur Queen K. Là, je sens la présence du vent tout de suite. J'appuie fort sur les pédales et je suis à 28 km /heure. je ne m'affole pas . Au même endroit trois jours avant j'étais à 35 ! Sans doute l'horaire différent... mais je suis une battante je me dis que si à l'aller j'ai le vent  de face ,au retour je l'aurais dans le dos. Donc je m'adapte, je prends une position aéro plus couchée .Le vent est assez tourbillonnant :parfois à gauche parfois à droite mais jamais dans le dos .Je me fais doubler .Je me pose des questions ;comment faire ?comment lutter contre ce vent ? Comment font les autres ? Certaines se mettent en danseuse je sais que ce n'est pas la bonne solution. Donc il faut appuyer plus fort . À chaque ravitaillement je prends deux bouteilles d'eau et une bouteille de Gatorade orange. A Hawaii il n'y a pas de bidon vélo .Je remplis mon bidon perso avec la bouteille d'eau ,avec la deuxième bouteille d'eau je m'arrose à travers mon casque sur le visage et les bras je prends aussi des bares Cliff et de la banane pour ne pas avoir mal à l'estomac durant le marathon .Plus le temps passe à vélo , et plus j'ai l'impression  que le vent est fort. Je m'étais préparé à un vélo roulant et très chaud mais pas du tout à cette épreuve de force.
Malheureusement le retour sera intégralement vent de face du 110 ou 180eme km une horreur ! Au 130e km je me demande si mes  freins ne touchent pas ma roue, tellement c'est dur et les sensations pourries . J'ai presque envie de m'arrêter pour vérifier ! Les toboggans du retour  sont très difficiles : dans les descentes je suis à 25 km/H  max .Le vent s'est encore renforcé . Il y a des rafales dangereuses. La fin  est un vrai calvaire. La chaleur se fait de plus en plus ressentir. Je n'ose même plus regarder la moyenne sur mon compteur vélo. Cela me fait peur.
Fin du vélo :je suis cuite et  j'ai l'impression d'avoir dépensé beaucoup d'énergie pour rien ......je n'ose même plus regarder mon compteur.
        7H08 ...moins de 26 km/h de moyenne. Pratiquement 1 heure de plus que sur l'Ironman de Nice.

Commence pour moi la partie normalement la plus dure, le marathon: mais ici tout est à l'envers , je n'ai pas fait un vélo à ma hauteur  : je suis très entamée mentalement mais moins physiquement. je fais une transition longue sous la tente. Toujours les bénévoles adorables qui nous tendent des serviettes humides et aromatisées . Quel bonheur !
Je pars, il fait très chaud première partie sur Alii drive je retrouve Eric,Marine,et Florent puis papa et Léo avec un immense drapeau français. Je mets des glaçons dans ma casquette ,prend beaucoup d'eau . C'est très dur et dans ma tête c'est compliqué .J'ai conscience d'avoir "raté "mon vélo. C'est très difficile. Donc il faut finir du mieux que je peux ! Je me motive comme je peux . Les Américains sur le bord encouragent "looking good " .Finalement je cours pas si mal que ça ! Je suis à 10 kM/h et les sensations sont plutôt bonnes ,bien meilleures qu'en vélo. Finalement , j'ai doublé 100 concurrents durant ce marathon ! Historique pour moi...
Petit à petit le soleil se couche il fait donc moins chaud . J'atteinds Energy Lab .L'ambiance est très particulière. Retour sur Queen K : là c'est interminable. Grâce au sel pas de crampes.
Il fait vraiment nuit (à cause des observatoires du Mauna Kea  pas de lampadaire).Je rentre sur Kona. Il y a beaucoup de monde sur le côté. Je vois ma famille et Hélène . La ligne d'arrivée . Le bruit , les clameurs, la médaille, »you are an Ironman » de Mike Reilley ,la serviette sur les épaules, bénévoles « are you OK ? Yes, yes, en pleurant » émotions intenses et un bonheur immense.
Fracassée ,mais heureuse. Je titube vers le ravitaillement, Eric me retrouve , il a réussi à rentrer ! Et je lui raconte mon calvaire à vélo.

C'est l'Ironman le plus dur que j'ai fait ! .Mais quel joie de franchir la ligne d'arrivée.Je pense qu'il est impossible de « performer » sans l'avoir fait auparavant. Je n'ai pas su gérer et m'adapter au vent frontal et au vent de côté  . En fait, Je ne m'attendais pas à ça. De plus, le bidon sur le cintre avec la paille est INDISPENSABLE  à Kona.

Toute cette année 2016 j'ai pensé à l'Ironman d'Hawaii : immense fierté de m'être qualifiée et immense joie d'y participer.Ce n'est toutefois pas un aboutissement final : je rêve d'un million de projets encore  notamment celui de revenir ….un jour.... peut-être avec  mon petit cousin Constant  ? . Je dois digérer les émotions , les analyses se faire, avant de réfléchir à de nouveaux projets pour le futur.
J'ai  un sentiment mêlé de joie et de frustration à cause de la partie vélo.  J'étais là pour apprendre cette année et j’aimerais revenir pour  faire une course au niveau de mon potentiel.Je finis 33e de ma catégorie et 6eme européenne .

Merci à Hélène pour la magnifique tenue KIWAMI
Merci à Romain  Battaut pour ses supers entraînements natation et son dévouement.
Merci à Christophe d'Intersport Idron  de s'être occupé de mon vélo et de m'avoir prêté sa valise vélo pour le voyage en avion.
Merci à Marie Ferbos pour le prêt de la swimfast.
Un grand merci à Éric mon mari qui me soutient au quotidien.
Merci à ma fille Marine, ma plus belle réussite  et Florent son compagnon .
Merci au bureau et à tous les membres du Billère Athletic Triathlon pour leur chaleur et leur présence à mes côtés durant les entraînements et les compèts.

Et enfin  Merci à mon papa que j'aime et qui m'a soutenu jusqu'au bout de mon rêve,sans faille.Merci papa.
« There is no elevator to success. You have to take the stairs. »

Marianne SUTRA

dig deep, never give up, and made it

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Re : Récit Ironman Hawaii 8/10/2016

Génial. Des frissons au Ptit dej direct, merci Marianne !

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Re : Récit Ironman Hawaii 8/10/2016

Super Marianne!
La prochaine fois ce sera entraînement de vélo uniquement sur la corniche de Saint Jean les jours de tempête...

Dernière modification par juju (Fri-10-16 13:18:52)

Re : Récit Ironman Hawaii 8/10/2016

Merci Marianne pour ce récit plein d'émotion.
Il faut des performances sportives hors du commun pour y arriver.
Félicitation

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Re : Récit Ironman Hawaii 8/10/2016

Très beau récit et magnifique aventure.

Un grand Bravo Marianne et pourquoi pas un retour à Hawaï dans les années à venir car ta motivation semble toujours intacte.

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Re : Récit Ironman Hawaii 8/10/2016

Merci Marianne pour ce voyage wink
Encore Bravo !!!

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Re : Récit Ironman Hawaii 8/10/2016

Pour rajouter au récit de Marianne , une belle analyse !

(Trimes.org)

" A Kona, Ironman, t’as gagné !

Soyons honnêtes, c’est avec une grande appréhension que je me suis dirigé vers Kona. C’est anecdotique, mais je ne m’y fais toujours pas à cette ile perdue en plein océan pacifique.
Mais avant tout, j’avais peur d’être déçu. Chez trimes, comme vous devez le savoir, notre relation avec Ironman est passée du statut, de en amour à c’est compliqué. Cela ne signifie pas que notre lien d’amitié est rompu, mais sur la défensive. Ce n’est pas un désaveu, mais plutôt, une forme de protectionnisme, parce que l’on espère toujours que certaines choses évoluent et par nostalgie, que certaines restent intactes. Peut-être que c’est le cheminement vers le vieux con.
Reste qu’il existe cette fameuse dualité où le sport devrait être une occasion de se rassembler et de célébrer la vie. On veut partager que quelque chose en commun et se dire que rien n’est impossible.
Si le sport encourage à exiger le meilleur de nous , l’ironman est aussi associé à un coût financier qui fini par en exclure certains et qui modifient les comportements des athlètes.
À force de se questionner, il faut se rendre à l’évidence, ça passe ou ça casse. Alors oui, on est dans une relation amour haine avec le triathlon. On adore la pratique du sport triple, ce terrain de jeu qui te pousse à te dépasser et à devenir meilleur tous les jours. On s’interroge perpétuellement sur certains aspects, comme le côté matérialiste et égocentrique de l’athlète. Dans cet exercice d’autocritique, où est le bonheur?

Pendant toute la semaine, combien de fois j’ai du entendre, « c’est vraiment devenu le royaume du pimpims ici » ou encore le fameux, « c’est incroyable comme cela est devenu commercial… » Pourtant, cela n’est pas notre ressenti, mais si les athlètes le disent, ces jugements ne doivent pas venir de nulle part. Est-ce une autre forme de snobisme où le triathlète tente de se rassurer en disant qu’il est monté dans le manège, mais qu’il est conscient d’être dans une attraction de moins en moins sincère?

Pourtant Kona, c’est la tradition, d’ailleurs, en venant ici, les amateurs espèrent y prendre part. Si le triathlon a généralement la mémoire courte et néglige ses ainés, c’est différent à Hawaii… Mark Allen, Dave Scott, Karen Smyers, Natascha Badmann ou encore Craig Alexander rodaient dans les 4 coins du Pier. Que cela soit les ingénieurs du dernier ubberbiker, des coachs/gurus légendaires ou à la mode, le monde est réuni et mélangé ici. Pour le bien et le mal. Cette densité pousse les acteurs à en faire plus pour se faire remarquer.

Pour cela, les athlètes se font offrir des t-shirts, casquettes et des échantillons. Ces gratuités ont une sorte de double effet. Amplifier l’effet d’exclusivité en participant à Kona, mais aussi l’enjeu commercial de l’événement. Malheureusement, si certains le déplorent, cela reste un point commun avec les grands événements sportifs… D’ailleurs, cela peut paraitre étonnant, mais Ironman ne contrôle pas tout. Si tu décides de donner des casquettes aux deux mille personnes présentes dans la rue, qui peut t’en empêcher?

Mais voilà, tout cela, c’est juste un emballage dont il est facile de faire abstraction, enfin, si tu le désires! Cela ne doit pas résumer la course et écorcher le passé. Il faut se rendre à l’évidence, Kona offre au triathlon le seul événement majeur reprenant les principes d’une classique ou d’un tournoi du grand chelem.

Ce rendez-vous annuel a permis aux amateurs de se familiariser avec un événement, il y trouve des repères avec les champions, mais aussi des références historiques avec les records et les matériels caractérisants des ères distinctes. Au final, les journalistes profitent enfin de certains piliers solides afin de susciter un intérêt avec ses lecteurs.

Les plus grands événements sportifs ont ce moment si attendu. L’energy lab, c’est un peu comme l’Amen Corner pour le master en golf ou l’Alpe d’Huez du Tour de France. Toujours cette référence face à l’histoire. Même si la couverture d’un événement peut paraitre incroyablement longue pour si peux, tu sais qu’à cet instant, tout peut basculer.

À l’opposé, l’ITU change la localisation de sa grande finale  chaque année. Que cela soit à Chicago ou à Cozumel, on n’a jamais cette impression de rendez-vous avec l’histoire parce qu’il n’y pas cette stabilité. De plus, en attribuant le titre mondial sur un classement, on n’est plus du tout dans une dynamique où tout peut arriver le jour de la course. On est dans un effort calculé. Le contraste cette année est majeur.

Alors oui, Kona profite d’un parcours unique, mais cela ne s’arrête pas là. Il y a tous ses détails comme ses bénévoles dont certains sont probablement au service de cette depuis plus de 20 ans. La course est incroyablement bien rodée. Sur tous les événements que j’ai couverts, Ironman ou ITU, c’était la plus agréable à y travailler. Cela doit être l’effet insulaire, tu sympathises même avec tes confrères, évidemment, il y a l’exception qui confirme la règle…

Enfin, il y a tous ces détails qui font la différence, les bénévoles veulent te parler, savoir d’où tu viens, ce que tu fais. Ils t’offrent à boire et à manger, sur d’autres épreuves, on est plus souvent traité comme une nuisance ou un mal nécessaire.

Les pros jouent aussi le jeu en restant très disponibles. On aurait imaginé les favoris très distants et évitant les apparences publiques sachant que leur saison se joue sur un effort de 8 à 9 heures. Après tout, ils doivent conserver au maximum leur énergie, mais non.

Lorsque j’ai fait mes entrevues de pré-course avec Jan Frodeno et Daniela Ryf, j’avais aussi l’appréhension de me faire jouer un disque. À force de couvrir l’ITU, on se demande des fois si certains élites n’ont pas hérité de la non-volubilité d’un joueur de foot, où même après plusieurs mois, une blessure est toujours cachée.

Enfin, en regardant Jan Frodeno et Daniela Ryf gagner, impossible de ne pas repenser à leur propos d’avant course. Quand tu dis quelque chose et que tu l’appliques, quand tu n’as pas peur d’afficher une pleine confiance et que tu réalises la course parfaite, tu ne peux que lever ton chapeau et comprendre pour Jan Frodeno est tellement apprécié qu’il pourrait te vendre des t-shirts à 30 euros ou même du café à son nom.

Mais revenons à Kona. Oui, il y a ce fameux drafting qui est une sorte d’affront à l’histoire, c’est un débat sans fin. Certains s’en sortent et d’autres non, on te donne un jouet, à toi de suivre les instructions? Malheureusement, tant que les athlètes n’évolueront pas n’agiront pas collectivement pour que cela change, l’organisation ne peut pas porter le blâme intégral. À l’image d’autres sports, les athlètes doivent s’auto réglementer, point final.

Mais j’ai presque l’envie de dire que cela reste un détail. Kona réserve tellement de beaux moments. Évidemment, voir le départ de ses propres yeux est une expérience unique. Il y aussi cette excitation de voir passer le Kona Train avec des allures de TGV. Quand tu connais un peu le sport, cet instant presque statique se transforme en une intense projection avec cette fameuse appréhension sur le dénouement de la course. Ces instants se dégagent totalement de la fameuse machine commerciale. Évidemment, certaines images seront récupérées, mais les émotions n’ont pas de prix.

Le moment le plus magique durant toute la semaine est pourtant celui qui devait m’intéresser le moins soit la limite de temps, ou la coupure à 17h. La première vocation de Trimes était justement de regrouper et de permettre aux compétitifs d’être mieux compris. Lorsque j’ai commencé Trimes, j’avais le sentiment que ceux qui terminaient leur Ironman entre 14 et 17h étaient traités comme des héros de la persévérance. En contre-partie, ceux qui cassaient la barre des 10 heures, comme des privilégiés de la génétique qui ne devraient pas trop se vanter. Alors oui, ce finish Line à minuit, j’y suis allé en reculant et pourtant, c’était tout simplement magique. Des fois, je ne suis pas très doué, mais sur le moment, je réalisais que ces athlètes qui terminaient cette course auraient très bien pu rester chez eux. Et puis tu réalises rapidement qu’ils ont tous une petite histoire en arrière, une femme qui termine à une minute du temps limite à 75 ans. Un homme qui termine la course sans bras. Des locaux qui complètent la course pour prouver que rien n’est impossible.

Si cela n’est pas assez, Daniel Ryf, Miranda Carfrae, Heather Jackson, Sebastien Kienle ou encore Jan Frodeno sont tous venus pour donner les médailles aux finissants. Alors oui, tout cela s’ajoute et la fameuse notion d’exclusivité disparait. Kona se clôt sur une cérémonie avec des locaux, une ainée vient chanter un champ traditionnel et permet de finir la journée sur une note encore plus émouvante. Ce rendez-vous avez la tradition est intacte. Oui, le triathlon ne rassemble plus des atypiques comme à ces débuts, mais il y a tout de même de la place pour tous.

D’ailleurs, il parait que l’inscription est passée à 999$ pour 2017. Ce chiffre est démoniaque. Il affiche clairement une limite à ne pas dépasser. Maintenant, on pourrait débattre longuement, mais est-ce que ce tarif n’illustre pas la dimension unique de Kona? Soit un événement à part.

Cette tarification vient presque préparer l’athlète par conséquent. Cet investissement lui impose de donner son meilleur.

Malheureusement, il faut rendre les armes et avouer que Kona reste une course à part. Par son cadre, son histoire, rien n’est comparable et c’est peut-être cela le pire. L’écart est tellement devenu grand avec les autres épreuves que les dissidents ne peuvent que jouer la carte monétaire pour se distinguer et c’est peut-être le plus grand drame pour le triathlon moderne. "